Les perturbateurs endocriniens sont une préoccupation pour les scientifiques depuis plusieurs décennies.
En effet, diverses études, dans le monde entier, ont posé et posent des questions sur ces substances : concernant leurs effets, leurs modes d'action, leur rôle.
Ils restent donc aujourd'hui et pour de nombreuses années sans doute une source de controverses scientifiques et sociétales.
Bon à savoir : les pesticides sont particulièrement visés, or la France est le premier utilisateur européen de pesticides en Europe et le troisième dans le monde.
Perturbateurs endocriniens : généralités
Il existe plusieurs définitions au niveau international.
La plus communément admise est celle de l'Organisation Mondiale de la Santé : les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances chimiques d'origine naturelle ou artificielle étrangères à l'organisme. Elles peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire des effets néfastes sur l'organisme d'un individu ou de ses descendants (OMS. State of the Science of Endocrine disrupting chemicals. 2012).
Ainsi, les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques pouvant agir sur le fonctionnement des glandes endocrines, responsables de la production des hormones (ANSES, 2010).
Les PE peuvent agir de différentes façons (INSERM) :
- modifier la production naturelle de nos hormones naturelles en interférant avec leurs mécanismes de synthèse, de transport ou d'excrétion ;
- mimer l'action de ces hormones en se substituant à elles dans les mécanismes biologiques qu'elles contrôlent (reproduction, croissance, développement et comportement) ;
- empêcher l'action de ces hormones en se fixant sur les récepteurs avec lesquels elles interagissent habituellement.
Les perturbateurs endocriniens sont souvent des composés liposolubles (solubles dans les corps gras). Aussi, ils peuvent s'accumuler dans celles-ci et donc rester dans l'organisme.
Origine des perturbateurs endocriniens
Il existe de nombreux perturbateurs endocriniens et les sources d'exposition sont elles aussi très diverses.
Les perturbateurs endocriniens (PE) peuvent être d'origine naturelle (les hormones ou hormones-like tels que les phyto-œstrogènes produits par les plantes) ou de synthèse (c'est-à-dire être une conséquence de l'activité humaine).
Ainsi, on les trouve notamment dans :
- les objets de consommation courante (matières plastiques) ;
- les médicaments ;
- les cosmétiques ;
- l'air et l'eau ;
- l'alimentation ;
- les produits phytosanitaires ;
- les pesticides ;
- les solvants ;
- les produits d'entretien...
De plus, les PE sont rémanents, c'est-à-dire qu'ils restent de nombreuses années dans l'environnement et peuvent être l'objet de transferts (de l'eau à l'air, etc.).
C'est ainsi que la liste s'allonge chaque jour et qu'il apparaît que nous sommes tous exposés à un mélange de PE à travers l'air, l'eau, le sol, l'alimentation et les produits courants.
Si certains produits sont en contact de plusieurs façons avec un individu (eau de boisson et produits cosmétiques par exemple), on ne connaît pas encore bien l'importance de contamination respective de ces différentes voies.
Bon à savoir : dans certains pays, 90 % de la population serait exposée au bisphénol A. En France, une étude dont les résultats ont été rendus en 2017 a rapporté que 74 % des femmes enceintes de l’échantillon étaient imprégnées par du bisphénol A, 100 % par des phtalates et 100 % par des pesticides comme les pyréthrinoïdes.
Article
Perturbateurs endocriniens : effets sur l'homme
L'impact sur l'homme est un sujet important de controverses. En effet, selon les substances, il existe ou pas, des preuves considérées comme suffisantes pour mener des actions. C'est pourquoi, la recherche est active dans de nombreux pays.
Dans l'état actuel des connaissances, les effets suspectés sont nombreux (liste non exhaustive) :
- troubles de la fertilité ;
- malformations congénitales ;
- troubles du métabolisme (diabète, obésité) ;
- altération des systèmes immunitaires et nerveux ;
- cancers hormono-dépendants (du sein, de l'appareil reproducteur...) ;
- cancers du poumon, des lymphomes non hodgkiniens et des sarcomes des tissus mous), dus à la dioxine ;
- leucémies dues au formaldéhyde ;
- fausses couches et pertes fœtales ;
- troubles de la croissance fœtale ;
- atteinte des fonctions cognitives et du neuro-développement ;
- troubles du comportement de type hyperactivité, autisme... ;
- avancée de l'âge de la puberté chez les filles ;
- altération de la fonction thyroïdienne...
Les PE peuvent également altérer d'autres fonctions régulées par des hormones : appétit, sommeil, croissance...
On ne connaît pas encore bien ces effets car l'extrapolation des modèles animaux à l'homme n'est pas toujours possible et de nombreuses études restent nécessaires. Mais il semble que les effets perturbateurs apparaissent dès de très faibles doses.
Par ailleurs, au cours d'une vie, on est plus ou moins sensibles à ces PE. En effet, la sensibilité est plus importante chez les fœtus, les bébés, les enfants, les adolescents et chez les femmes enceintes et allaitantes.
Différents perturbateurs endocriniens
Les PE peuvent avoir une origine naturelle ou être issus de l'activité humaine (produits intentionnellement pour leur effet hormonal ou au contraire sans que l'effet hormonal ait été recherché).
Ainsi, les perturbateurs endocriniens d'origine naturelle sont :
- les hormones naturelles c'est-à-dire la progestérone, la testostérone et les œstrogènes ;
- les phyto-œstrogènes présents dans certaines plantes telles que la luzerne ou le soja.
Les PE d'origine synthétique sont (liste non exhaustive) :
- les hormones de synthèse contenues dans les médicaments (contraception, hormone de substitution à la ménopause) ;
- les bisphénols, dont le bisphénol A (reconnu comme un perturbateur endocrinien par l'Agence européenne des produits chimiques depuis juin 2017) ;
- les phtalates présents dans les jouets en plastique, le vernis à ongles, les produits d’entretien, les barquettes alimentaires, les bouteilles en plastique et certains ustensiles de cuisine ;
- les composés perfluorés ;
- les retardateurs de flamme (polybromobiphényls) ;
- les parabènes et phénoxyéthanols qu'on retrouve notamment dans les cosmétiques, les médicaments et les lingettes de toilette jetables ;
- les éthers de glycol ;
- les formaldéhydes présents dans les colles à bois (et donc dans les meubles en contreplaqué) et les peintures ;
- les filtres solaires ;
- le triclosan présent notamment dans les savons, les gels douche, les gels antibactériens, les dentifrices, les produits de nettoyage ménagers, les traitements contre l’eczéma, les crèmes hydratantes, les crèmes solaires, les déodorants, les produits contre l’acné et aussi dans certains jouets, sacs-poubelles, matelas, meubles, tapis... ;
- les polychlorobiphényls (PCB) ;
- les pesticides, insecticides, herbicides ou encore fongicides ;
- les dioxines...
Pour le moment, près de 800 substances chimiques sont reconnues ou suspectées d'être des perturbateurs endocriniens, mais beaucoup n'ont encore pas fait l'objet d'études et d'autres PE sont susceptibles d'être découverts chaque jour au cours des recherches menées.
Bon à savoir : le 13 juillet 2017, les ministères de la Transition écologique et solidaire et de l'Agriculture et de l'Alimentation ont ainsi mis en ligne une liste de pesticides susceptibles de contenir des perturbateurs endocriniens. Par ailleurs, à compter de janvier 2022, les industriels seront contraints de rendre disponibles les informations permettant d'identifier les perturbateurs endocriniens dans un produit mis sur le marché. À l’exception des médicaments, sont ainsi concernés les produits phytopharmaceutiques, les dispositifs médicaux, les matériaux et objets destinés à entrer en contacts avec des denrées alimentaires, les denrées alimentaires elles-mêmes, mais aussi les jouets et les produits cosmétiques.
Perturbateurs endocriniens : se préserver
Se préserver des PE passe par une limitation de l'exposition voire son éviction. D'autant plus, aux âges de la vie les plus sensibles.
Bon à savoir : une fiche repère proposée par l’INCa (Institut national du cancer) présente sur une série de conseils pour la population afin de réduire son exposition aux PE. Ceux-ci qui doivent être tout particulièrement suivis par les femmes enceintes et les jeunes enfants.
Cela passe également par le dépistage et donc par une recherche accrue puis par des lois pour empêcher l'utilisation de certains produits (loi de 2012 concernant le bisphénol A, retrait de substances pesticides depuis 2008...).
Par ailleurs, d’ici 2021, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail) est chargée d’établir une liste des substances pouvant présenter des propriétés perturbatrices endocriniennes en se basant sur des listes et rapports existants et des études bibliographiques. Une harmonisation des réglementations européennes est en cours de discussion à la Commission européenne.
Perturbateurs endocriniens : la recherche et l'action des pouvoirs publics
La recherche et l'évaluation des risques liés aux PE sont très actives depuis les années 90 et le scandale du distilbène. C'est d'ailleurs en 1991, au cours de la conférence de Wingspread, que le terme de "perturbateurs endocriniens" a été utilisé pour la première fois.
Mais elles restent inégales en fonction des pays, et il reste beaucoup à faire pour :
- comprendre leurs effets sanitaires ;
- identifier les dangers, évaluer les risques ;
- comprendre leurs modes d'action ;
- surveiller leur présence ;
- alerter le public, mettre en place une démarche de prévention.
Aujourd'hui, la communauté scientifique internationale se mobilise et alerte à travers différents travaux et rapports (OMS, OCDE, INSERM, ANSES...) et il en est de même pour certaines associations de consommateurs dénonçant les résultats préoccupants de produits cosmétiques (UFC - que choisir, 2016). L'étude des PE est devenue importante pour la santé mais également l'environnement.
Le 4 juillet 2017, les États membres de l'Union européenne ont adopté une définition des perturbateurs endocriniens dans le cadre des produits phytopharmaceutiques (pesticides, fertilisants).
Les critères retenus sont :
- l'apparition d'effets indésirables,
- la perturbation du système endocrinien,
- et un lien de corrélation entre les deux.
Alors que beaucoup considèrent cette définition trop laxiste, car n'englobant que les perturbateurs endocriniens avérés et présumés et non les perturbateurs endocriniens seulement suspectés (les moyens de preuve étant trop difficiles), elle permettra cependant de retirer du marché certaines substances actives néfastes pour les hommes et les animaux. Ces critères serviront de base à la régulation des cosmétiques, biocides, emballages et autres produits industriels.
Bon à savoir : au-delà du problème de santé publique, les coûts que pourraient engendrer les PE pour les systèmes de santé se chiffrent en milliards (Health And Environement Alliance, 2014) et méritent de l'attention.